Firmin
Mon premier rendez-vous avec Firmin a été particulièrement fructueux. Il s'agit là d'un enfant doux et intéressé, qui grandit dans un milieu aisé, mais cultive un rapport problématique aux livres, dès lors qu'il s'agit de s'en emparer en toute autonomie. Autrement dit, il faut qu'on lui lise des histoires. Mais, m'ont avoué ses parents en m'accueillant, il n'aime pas leur voix. "Par exemple, Firmin trouve que je reproduis mal le bêlement du mouton ou que mon mari contrefait sans vergogne le vrombissement de la moissonneuse-batteuse". Je leur ai répondu qu'il fallait supprimer les référents imitables : quoi de mieux que le général de Gaulle, de ce point de vue ? Si ce n'est que la parodie d'Henri Tisot a très brièvement jeté une ombre sur le grand homme.
Bref.
Firmin, en pyjama, et moi en pantalon avons traversé le grand salon au style art-déco pour regagner une chambre aux couleurs chamarrées.
Le bébé a rejoint le lit d'un saut de kangourou qui m'étonne encore, tandis que j'ai ouvert les Mémoires de guerre.
Je n'avais pas terminé le deuxième paragraphe que le bougre s'était déjà envolé.
Je suis sorti sans bruit de la pièce.
Ses parents se sont précipités sur moi : "Alors ?". J'ai répondu : "Il dort". La dame a sorti un billet de 50 euros de sa poche : "C'est tout ce que nous voulions. Franchement, c'est inespéré. Comment faites-vous ?
- L'effet Général."
Ils ont hoché de la tête. De Gaulle est également une référence pour eux.
Ils m'ont raccompagné à la porte. Je ne pensais pas que cela irait si vite. "A jeudi !"
Quand mes parents m'ont vu rentrer à 21h15, ils se sont exclamés : "Déjà ?"
J'ai souri : "L'effet Général."
Et je suis monté dans ma chambre.