Cabale plus.
"Miaou, mon petit chat, pourquoi es-tu si triste ?
Miaou, mon petit chat, pourquoi pleures-tu comme ça ?
Ma maman est partie pour chasser des souris
Tout seul dans mon panier, moi je m'ennuie".
Nul n'ignore que ces quatre vers sont au coeur du scandale qui éclate en 1958 : à cette époque, Albert Camus, alors récent prix nobel de Littérature, affronte Jean-Paul Sartre, qu'on ne présente plus. Concurrencé par l'auteur de La peste, JPS décide de le discréditer en faisant croire que Camus vient de signer les paroles de "Miaou" et qu'il s'agit là d'une preuve de sa déliquescence artistique. Des exemplaires manuscrits circulent sous les manteaux germano-pratins. L'écriture, qui est un faux, imite admirablement la calligraphie d'Albert. En quelques mois, la presse se fait l'écho de cette odieuse rumeur, disserte jusqu'à plus soif sur ces quatre vers qui chantent la perte d'un amour maternel.
Sartre rit sous cape. De Beauvoir ironise : "Camus, philosophe pour classe terminale ? Plutôt pour les maternelles !"
Voilà pourquoi je ne serai jamais sartrien.
En 1985, l'imposture est révélée. Quelques mois plus tard, Simone De Beauvoir meurt. Dans une lettre posthume, elle révèle qu'elle a signé la chanson (parole et musique), que son désir d'enfant refoulé, en même temps que son aversion pour Camus, s'étaient "conjugués dans ce quatrain diabolique".
La comptine impie rejoindra les oeuvres complètes de la célèbre féministe, aux éditions La Pléiade.
Quant à moi, je fredonne toujours ces calembredaines.